286 600 logements ont été mis en chantier en 2024. C’est le chiffre le plus bas depuis 15 ans, et une baisse de 43 % par rapport au pic de 2017.
Un décrochage spectaculaire, alors même que la France devrait produire au moins 500 000 logements neufs par an pour répondre à la demande, selon l’Insee, le Ministère de la Transition écologique et l’USH.
En cause ? Une crise multifactorielle qui frappe toutes les étapes de la chaîne de construction :
- 💰 une inflation des coûts de construction de +31 % depuis 2020,
- 📈 une hausse brutale des taux immobiliers (3,28 % sur 25 ans selon l’Observatoire Crédit Logement),
- 🧱 une pénurie persistante de matériaux clés (béton, bois, cuivre),
- 🏗️ un retournement brutal de l’activité des promoteurs,
- ⚖️ un durcissement réglementaire (RE2020, ZAN) que beaucoup d’élus et d’artisans jugent inapplicable en l’état,
- et enfin, une baisse des aides publiques et incitations fiscales pour soutenir le neuf.
Le résultat ? Des projets reportés ou annulés, des permis non réalisés, des entreprises du BTP en difficulté, et un sentiment d’impuissance généralisé, chez les professionnels comme chez les particuliers.
Pendant ce temps, la tension immobilière explose dans les zones attractives, tandis que des dizaines de milliers de logements restent vacants ailleurs.
👉 Comprendre pourquoi la France ne construit plus, c’est plonger au cœur des blocages économiques, techniques, réglementaires et politiques qui étranglent la production.
Mais c’est aussi entrevoir les leviers d’un modèle plus résilient, plus durable, et plus équilibré territorialement.
À RETENIR
| 📌 Indicateur 2024 | 📊 Valeur |
|---|---|
| 🏠 Permis de construire délivrés | 330 400 (-28 % vs moyenne pré-Covid 2017-2019) |
| 🏗️ Logements commencés | 286 600 (plus bas niveau depuis 2009, -43 % vs 2017) |
| 💰 Hausse des coûts de construction | +31 % entre 2020 et 2024 (indice ICM – INSEE) |
| 📈 Taux moyen de crédit immobilier | 3,28 % sur 25 ans (contre <2 % avant 2022) |
| Source : Observatoire Crédit Logement | |
| 🧱 Matériaux clés | Béton +61 %, Cuivre +77 %, Bois +46 % puis -15 % |
| ⚖️ Réglementation | RE2020 + ZAN = double contrainte sur les projets |
| 🏚️ Défaillances d’entreprises BTP | 14 740 en 2024 (+24 % sur un an, source FFB) |
Une chute historique : la France décroche
Un niveau de construction historiquement bas
En 2024, la construction neuve en France a atteint son plus bas niveau depuis la crise financière de 2009.
Avec 286 600 logements commencés, le pays enregistre une baisse de 28 % par rapport à la moyenne pré-Covid (397 000 logements/an entre 2017 et 2019), et de 43 % par rapport au pic de 2017, où 502 000 chantiers avaient été lancés.

Pourtant, selon les estimations croisées de l’Insee, du Commissariat général au développement durable et de la Fondation Abbé Pierre, il faudrait au minimum 500 000 logements neufs par an pour répondre aux besoins actuels : décohabitation croissante des jeunes, vieillissement de la population, attractivité des zones tendues, et vacance structurelle ailleurs.
Dans ce contexte, les professionnels du secteur tirent la sonnette d’alarme. Témoignage d’un cadre régional chez Nexity :
“Aujourd’hui, on abandonne des projets pourtant viables sur le papier. Non pas parce qu’ils ne sont pas pertinents, mais parce que les marges s’effondrent, les coûts explosent, et les banques refusent de suivre.”
Cette réalité concerne autant les grandes métropoles que les petites villes périphériques, où le coût du foncier, les contraintes réglementaires et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée rendent les projets peu rentables, voire impossibles à concrétiser.
Comparaison européenne : la France en retard malgré un meilleur ratio
Sur le papier, la France semble produire davantage de logements neufs que certains de ses voisins européens, avec un ratio par habitant plus favorable.
| Pays | Logements neufs (2024) | Population | Ratio logements / habitant |
|---|---|---|---|
| France | 286 600 | 68 millions | 1 pour 237 hab. |
| Allemagne | 295 000 | 83 millions | 1 pour 281 hab. |
| Royaume-Uni | 240 000 | 67 millions | 1 pour 279 hab. |
Pourtant, malgré ce ratio avantageux, la France connaît des tensions résidentielles plus fortes que l’Allemagne ou le Royaume-Uni, en particulier dans ses territoires les plus attractifs.
Les déséquilibres territoriaux deviennent ainsi le vrai facteur aggravant de la crise :
- à l’Est, des régions comme la Champagne-Ardenne (12,3 % de vacance) ou le Limousin (11,8 %) peinent à reconvertir leur parc ancien,
- tandis qu’à l’Ouest, en Bretagne ou dans les Pays de la Loire, la vacance tombe sous les 2 %, et la pression foncière devient telle que le neuf devient inaccessible, y compris pour les classes moyennes.
Les freins conjoncturels : une tempête économique et financière
Explosion des coûts de construction
Depuis 2020, le secteur du bâtiment neuf est confronté à une inflation sans précédent.
Trois chocs successifs ont désorganisé les filières, provoqué des ruptures d’approvisionnement, et fait flamber les prix des matériaux comme de l’énergie :
- 2020 : désorganisation logistique mondiale post-Covid,
- 2022 : guerre en Ukraine et tensions géopolitiques,
- 2023–2024 : flambée durable des coûts de l’énergie, avec une hausse moyenne de +40 % sur l’électricité et +60 % sur le gaz, par rapport à 2019.
Ces hausses se répercutent sur toutes les opérations, y compris les plus modestes, et déstabilisent l’équilibre économique de nombreux projets.
| Matériau | Évolution 2020–2024 | Impact RE2020 |
|---|---|---|
| Béton | +61 % | Pénalisé (forte empreinte carbone) |
| Bois | +46 % puis -15 % | Favorisé mais tension filière + volatilité extrême |
| Cuivre | +77 % | Essentiel pour les pompes à chaleur |
| Chanvre | +25 % | Plébiscité mais production insuffisante et filière fragile |
“Les devis ne tiennent plus deux semaines”, témoigne un artisan charpentier du Maine-et-Loire.
“On n’a plus aucune visibilité. Dès qu’un prix se stabilise, c’est un autre qui repart. Et les clients n’acceptent pas les clauses d’indexation.”
Cette volatilité généralisée freine les prises de décision, paralyse les appels d’offres, et décourage les investissements dans les filières biosourcées que la RE2020 vise pourtant à promouvoir.
La transition écologique du bâtiment se retrouve ainsi ralentie par les mécanismes mêmes de marché qu’elle voulait mobiliser.
Remontée brutale des taux d’intérêt
À cela s’ajoute un autre blocage majeur : la hausse rapide des taux immobiliers. En trois ans, les crédits à 25 ans sont passés de 1,5 % à 3,28 % (source : Observatoire Crédit Logement).
Ce glissement de deux points de pourcentage suffit à réduire la capacité d’emprunt des ménages de 20 à 25 %.
Cette hausse frappe particulièrement trois catégories clés :
- Les primo-accédants, qui voient leur pouvoir d’achat amputé d’une pièce, d’un étage ou d’une ville entière,
- Les investisseurs, pour qui un rendement locatif inférieur à 4 % devient difficilement soutenable,
- Les accédants sociaux, pour qui le projet devient tout simplement inaccessible sans un PTZ renforcé, aujourd’hui limité à certaines zones.
Cette perte de solvabilité entraîne un effondrement des ventes en phase de pré-commercialisation, ce qui bloque mécaniquement le financement des programmes.
Seuil critique : en promotion immobilière, 60 % de pré-commercialisation sont en général nécessaires pour déclencher les financements bancaires.
En dessous de ce seuil, le projet ne démarre pas, même avec un permis de construire valide.
Fin des incitations fiscales
Le troisième verrou est politique et fiscal. Depuis 2022, l’État a amorcé un retrait progressif de ses dispositifs d’incitation à la construction neuve.
La fin du dispositif Pinel, qui avait soutenu la production pendant plus d’une décennie, devient effective en 2025. Selon la Fédération Française du Bâtiment, cela représente une perte nette de 15 000 à 20 000 logements neufs par an.
Une chute qui touche directement les communes tendues.
Dans le même temps, la fiscalité sur les revenus locatifs s’est alourdie : fin des abattements temporaires, hausse des prélèvements, complexification administrative.
Résultat : les investisseurs particuliers, qui représentaient jusqu’à 50 % des ventes dans certaines métropoles, se retirent massivement du marché.
Sans eux, de nombreux programmes deviennent inviables économiquement. Même lorsqu’un permis est obtenu, le lancement reste gelé, faute d’acquéreurs ou de garanties.
Ce triple choc – coûts, taux, fiscalité – enclenche un cercle vicieux parfaitement lisible :
moins de demande → moins de pré-commercialisation → moins de construction,
avec à la clé une aggravation de la pénurie de logements dans les zones déjà sous tension.
Les freins structurels : un modèle à bout de souffle
ZAN : le foncier comme mur invisible
Depuis 2021, la trajectoire Zéro Artificialisation Nette (ZAN) impose une transformation radicale de la manière dont on urbanise la France.
L’objectif est clair : diviser par deux la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2031, en passant de 20 000 à 10 000 hectares artificialisés par an, avant d’atteindre un solde net nul en 2050.
Mais sur le terrain, cette ambition se heurte à un mur d’incompréhensions, de blocages et de résistances. Les élus locaux sont en première ligne.
“On me demande d’accueillir des habitants, d’installer des commerces, mais on m’enlève les surfaces à bâtir”, résume un maire de Haute-Vienne.
“Et le ZAN, c’est aussi le retour des friches polluées, inconstructibles, ou bien trop chères à réaménager.”
Ce sont souvent les communes les plus petites, pourtant les plus attractives en périurbain, qui se retrouvent incapables de produire du logement neuf, faute de foncier mobilisable.
Le ZAN, pensé comme une boussole écologique, devient un mur invisible pour la relance territoriale.
Faute d’une vision nationale coordonnée entre logement, agriculture, biodiversité et fiscalité, le résultat est une mise sous cloche de territoires ruraux entiers, pendant que d’autres, déjà denses, peinent à absorber la pression démographique.
RE2020 : une ambition climatique mal calibrée ?
La RE2020, entrée en vigueur en 2022, vise à réduire l’impact environnemental du bâtiment.
Mais si ses objectifs sont clairs (décarbonation, sobriété énergétique, confort d’été), sa mise en œuvre est jugée trop brutale par une majorité d’acteurs du secteur.
Les surcoûts varient selon la typologie des projets :
| Type de programme | Surcoût estimé |
|---|---|
| Maison individuelle | +8 à +12 % |
| Logement collectif | +6 à +10 % |
| Logement social | +4 à +8 % (effet volume) |

Les contraintes les plus impactantes sont techniques et réglementaires : pompes à chaleur obligatoires, ACV généralisée, seuils carbone cumulés, degrés-heures d’inconfort à respecter en été comme en hiver.
Face à ces nouvelles obligations, de nombreux maîtres d’ouvrage choisissent de réduire la surface des logements pour ne pas faire exploser les budgets.
Conséquence : hausse mécanique du prix au mètre carré, et tensions accrues pour les classes moyennes.
Des pistes existent pourtant pour rendre la RE2020 plus soutenable et mieux appliquée :
| Mesure corrective | Effet attendu |
|---|---|
| Étaler la montée en exigence des seuils carbone | Lisser les surcoûts sur plusieurs années |
| Soutenir les filières locales biosourcées | Réduire la dépendance aux importations |
| Former les artisans aux nouvelles normes | Diminuer les erreurs de mise en œuvre, optimiser les coûts |
Sans accompagnement, la RE2020 risque de devenir un accélérateur d’exclusion, favorisant les grands groupes au détriment des collectivités modestes, des auto-constructeurs, et des petites maîtrises d’ouvrage.
A lire : Quels sont les principaux défis liés à la RE 2028 pour les promoteurs immobiliers ?
Complexité réglementaire croissante
Au-delà des normes environnementales et foncières, la construction en France est freinée par une complexité réglementaire devenue structurelle.
Un permis de construire, en théorie, s’instruit en 2 à 3 mois.
Mais dans la réalité, les délais atteignent 6 à 12 mois, voire davantage en secteur patrimonial, zone inondable ou commune littorale.
En parallèle, les recours contentieux se multiplient. Entre 2019 et 2024, leur nombre a progressé de +40 %.
Le taux d’annulation reste faible (15 %), mais les délais moyens de traitement avoisinent 18 mois.
Cette instabilité juridique paralyse des projets pourtant conformes aux règles. Et ce climat d’incertitude dissuade les petits porteurs, les investisseurs privés, ou les communes sans appui technique.
L’OCDE estime que la charge administrative dans le secteur de la construction représente 3 à 4 % du PIB français, un record parmi les pays développés.
À titre de comparaison, ce taux est inférieur à 2 % en Allemagne.
Cette complexité généralisée, perçue comme une forme de bureaucratie punitive, contribue à la désertification des territoires ruraux, et aggrave les tensions foncières et sociales dans les grandes agglomérations.

Promoteurs et BTP : des acteurs à l’agonie
Promoteurs en crise
Le modèle économique de la promotion immobilière vacille.
En 2024, plus de 1 500 entreprises du secteur ont déposé le bilan, un niveau de défaillance inédit depuis la crise financière de 2009. La chute des ventes, la hausse des coûts et l’impossibilité de sécuriser les financements plongent les opérateurs dans une spirale descendante.
Tout commence par une équation impossible à résoudre : pré-commercialiser 60 % des logements pour obtenir un prêt bancaire, alors que les primo-accédants sortent du marché et que les investisseurs particuliers se retirent.
Faute d’acheteurs en amont, les projets ne démarrent pas, même lorsqu’ils sont autorisés.
Face à cette impasse, les promoteurs cèdent parfois leurs programmes en bloc à perte aux bailleurs sociaux, simplement pour sauver leur trésorerie. D’autres gèlent des opérations entières en espérant un retournement de conjoncture.
Les marges sont désormais négatives ou nulles dans de nombreuses opérations neuves, notamment en zone tendue. Même les grands groupes revoient leurs ambitions à la baisse. Le moteur de la production neuve s’est grippé.

Pénurie de main-d’œuvre
En parallèle, le secteur du bâtiment fait face à une crise de ressources humaines chronique.
Selon Pôle emploi, 74 % des recrutements dans le BTP sont jugés “difficiles”, avec des milliers de postes non pourvus dans chaque grande région.
| Région | Postes non pourvus (estim.) |
|---|---|
| Île-de-France | 15 000 |
| Auvergne-Rhône-Alpes | 8 000 |
| Nouvelle-Aquitaine | 6 000 |
Les métiers les plus en tension restent les piliers du secteur : maçons, couvreurs, électriciens, plombiers, charpentiers.
“Les jeunes préfèrent les métiers du numérique. La construction, ils ne la voient plus comme un métier d’avenir”, constate un formateur des Compagnons du Devoir à Toulouse.
“Même les formations en alternance, pourtant bien rémunérées, peinent à recruter.”
La désaffection s’explique par plusieurs facteurs cumulés :
- Une image dégradée du bâtiment : métier physique, exposition au climat, reconnaissance sociale faible,
- Une hausse de la concurrence intersectorielle, notamment du numérique,
- Un vieillissement accéléré des effectifs : 28 % des artisans ont plus de 50 ans, contre 18 % dans l’industrie,
- Un manque de formation technique adaptée aux mutations du secteur :
| Compétence manquante | Impact direct |
|---|---|
| RE2020 : isolation, étanchéité | Mauvaise conformité des chantiers, retards |
| Matériaux biosourcés (chanvre…) | Dépendance à des équipes spécialisées rares |
| Outils numériques (BIM, IoT) | Perte de productivité, inadéquation avec appels d’offres |
Conséquence directe : pour attirer les profils encore disponibles, les entreprises ont dû augmenter les salaires de 15 % en moyenne sur deux ans, ce qui alourdit mécaniquement le coût global de construction.
Solutions immédiates : que faire dès 2025-2026 ?
Face à la crise historique de la construction neuve, plusieurs leviers peuvent être activés rapidement pour relancer l’offre, sécuriser les opérations et soutenir la demande.
Ces mesures d’urgence, si elles sont bien ciblées, pourraient amorcer un début d’inflexion dès 2025.
Accélérer et simplifier les procédures
La loi TRACE (Transformation Réglementaire pour l’Accélération de la Construction Écologique), entrée en vigueur début 2025, vise à fluidifier les délais et à réduire la complexité administrative.
| Mesure TRACE | Effet observé / attendu |
|---|---|
| Référent urbanisme en préfecture | Déblocage de projets intercommunaux complexes |
| Numérisation des procédures | Meilleure lisibilité pour les porteurs de projet |
| Délais raccourcis en zone test | –40 % à Grand Paris pour les permis collectifs |
Dans les métropoles pilotes (Lyon, Nantes, Grand Paris), les premiers résultats montrent un rétrécissement des délais et une amélioration de la coordination entre services.
Mobiliser le foncier public
La France dispose de gisements fonciers publics dormants particulièrement adaptés à la construction de logements.
Selon les données croisées du Cerema et de France Domaine, les surfaces mobilisables sont estimées à :
| Propriétaire public | Surface disponible (ha) | Potentiel logements |
|---|---|---|
| SNCF / Gares et infrastructures | 15 000 | 230 000 |
| Ministère de la Santé (hôpitaux désaffectés) | 3 000 | 50 000 |
| État / Ministères et opérateurs | 8 000 | 120 000 |
| Total | 26 000 ha | ≈ 400 000 logements |
Ce foncier est souvent situé à proximité des réseaux, dans des zones urbanisées, et ne nécessite aucune artificialisation supplémentaire.
L’enjeu : lever les freins juridiques, organiser une gouvernance territorialisée, et prioriser les projets à faible empreinte carbone.
Renforcer le PTZ pour le neuf écologique
Le Prêt à Taux Zéro (PTZ) reste l’un des seuls outils permettant aux primo-accédants modestes de se lancer dans l’achat neuf. Mais depuis sa recentralisation sur l’ancien, son impact sur la construction s’est affaibli.
Un PTZ élargi et réorienté vers les logements écologiques permettrait :
| Effet attendu d’un PTZ réformé | Chiffres estimés (2026) |
|---|---|
| Ménages primo-accédants aidés | +25 000 par an |
| Programmes relancés grâce au levier solvabilité | +15 % en zones tendues |
| Création d’emplois induits dans le BTP | ≈ 8 000 postes |
Pour être pleinement efficace, ce PTZ nouvelle génération devrait cibler en priorité les logements conformes à la RE2020, utilisant des matériaux biosourcés ou affichant un bilan carbone favorable.
Adapter la RE2020 aux réalités locales
La Réglementation Environnementale 2020, bien qu’indispensable, se heurte à des limites de faisabilité dans certains territoires. Pour éviter de bloquer des opérations viables, des dérogations ciblées et temporaires pourraient être introduites, encadrées par l’État.
Objectifs :
- Allonger la montée en exigence carbone dans les zones à faible offre,
- Assouplir les contraintes DH ou ACV pour certains types de petits projets,
- Favoriser l’innovation constructive via des appels à projets dérogatoires.
Cette adaptation ne remettrait pas en cause les objectifs climatiques, mais permettrait un atterrissage plus progressif, respectueux de la diversité des contextes territoriaux.
Lancer un plan d’urgence pour la formation BTP
Relancer la construction passe aussi par renforcer massivement les compétences humaines disponibles. C’est tout l’objet du Plan national de formation BTP 2025–2027, annoncé en juin.
| Objectif | Chiffres clés (2025–2027) |
|---|---|
| Budget alloué | 500 millions d’euros sur 3 ans |
| Personnes formées | 50 000 |
| Spécialisation biosourcés (chanvre, paille, terre) | 15 000 |
Ce plan vise à moderniser l’image des métiers du bâtiment, à favoriser la reconversion professionnelle (notamment via Pôle emploi), et à répondre aux exigences de la transition écologique.
La priorité est donnée aux formations courtes, qualifiantes, axées sur la RE2020, le BIM, l’étanchéité, et les filières locales.

Vision long terme : réinventer le modèle constructif français
Répondre durablement à la crise du logement impose de dépasser la seule logique de relance cyclique.
Il s’agit de repenser en profondeur notre modèle constructif, pour en faire un levier de transition écologique, de justice sociale et de souveraineté territoriale.
Trois axes structurants émergent.
Massifier la réhabilitation
Le premier levier est connu, mais toujours sous-utilisé : réhabiliter plutôt que construire.
La France compte plus de 7 millions de logements mal isolés et des milliers de friches ou de bâtiments vacants dans les centres anciens.
Rénover massivement permettrait de soulager la pression foncière sans artificialiser, tout en réduisant l’empreinte carbone du parc existant.
A lire : Réhabilitation ou Rénovation : tout ce que vous devez savoir
L’objectif du gouvernement est de porter la rénovation globale à 2 millions de logements d’ici 2030, en s’appuyant sur des dispositifs comme MaPrimeRénov’ Parc locatif, le Plan friches ou des opérations d’urbanisme transitoire.
Comparatif économique et opérationnel :
| Type d’intervention | Coût moyen au m² | Durée chantier |
|---|---|---|
| Construction neuve | 1 400 €/m² | 12 à 18 mois |
| Réhabilitation | 800 €/m² | 6 à 12 mois |
Ce différentiel de coût et de délai, à performance énergétique équivalente, justifie pleinement une stratégie de massification de la rénovation comme pilier central du modèle de demain.
A lire : La surélévation des bâtiments : une solution durable face à la crise du logement
Lancer un vrai plan biosourcés
Le deuxième pilier repose sur une évolution structurelle des matériaux utilisés.
Si la RE2020 a introduit l’analyse carbone des composants du bâtiment, les freins à l’adoption des matériaux biosourcés restent nombreux : prix, formation, logistique, réglementation.
Un plan national biosourcés 2025–2030 est proposé pour structurer durablement la filière.
| Indicateur clé | Cible / engagement |
|---|---|
| Part des logements neufs en biosourcés | 50 % à horizon 2030 |
| Investissement public prévu | 2 milliards d’euros sur 5 ans |
| Emplois créés ou consolidés | 100 000 (chanvre, paille, bois local) |
Cela implique une montée en puissance rapide des capacités de production régionales, un soutien à la demande publique et privée, et une adaptation du code de la construction pour faciliter l’innovation.
Au-delà des effets économiques, ce plan renforcerait la résilience des territoires, réduirait les émissions de CO₂ incorporé, et valoriserait des ressources agricoles peu exploitées aujourd’hui.
S’inspirer des modèles étrangers
Le troisième axe consiste à regarder au-delà des frontières pour identifier des solutions reproductibles ou adaptables au contexte français.
- Pays-Bas : le programme EnergieSprong a permis la rénovation performante de plus de 111 000 logements sociaux, via des solutions industrialisées (façades préfabriquées, pompes à chaleur, toiture solaire), tout en garantissant zéro surcoût énergétique pour les ménages.
- Danemark : l’urbanisme circulaire à Copenhague repose sur la réutilisation systématique des matériaux, la modularité des bâtiments et une planification urbaine sobre en ressources.
- Québec : l’essor de l’habitat modulaire réversible permet de construire des logements évolutifs, démontables et relocalisables, dans une logique d’urbanisme temporaire et bas carbone.
Ces exemples montrent qu’il est possible d’allier performance environnementale, maîtrise des coûts, et sobriété foncière.
Encore faut-il une volonté politique forte, une ingénierie publique agile, et une mobilisation coordonnée de tous les acteurs.
De la crise à l’opportunité : reconstruire autrement
La crise de la construction neuve en 2025 n’est pas un simple ralentissement conjoncturel : c’est un signal d’alerte systémique.
Les défaillances en chaîne, la pénurie de main-d’œuvre, l’inflation des matériaux, les blocages fonciers ou réglementaires révèlent les limites d’un modèle centré sur l’étalement, la spéculation et la norme.
Mais cette rupture ouvre aussi une opportunité historique : celle de réinventer notre manière d’habiter, de construire et de produire le logement.
Les solutions existent. Massifier la réhabilitation, mobiliser le foncier déjà artificialisé, former aux métiers de la transition, soutenir les filières locales biosourcées ou encore adapter les normes aux réalités territoriales : autant de leviers activables dès maintenant, à condition de penser en écosystème.
La construction de demain ne peut plus se limiter à produire des mètres carrés. Elle devra créer du lien, réparer les fractures territoriales, préserver les sols, et réduire durablement l’empreinte carbone du secteur.
D’ici 2030, la France peut diviser par deux ses besoins en construction neuve grâce à la réhabilitation du bâti existant, tout en devenant leader européen de l’habitat durable.
Encore faut-il passer du discours à l’action.
A lire : Crise du logement 2025 : 3,1 millions de logements vacants vs 4 millions de mal-logés
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Sources
- Bilan 2024 et prévisions 2025 dans le bâtiment (FFB)
- L’Observatoire Crédit Logement
- Besoins de logements en France à horizon 2030, 2040 et 2050 (Ministères Aménagement du Territoire, Transition Écologique)

Pierre Chatelot est rédacteur en chef de ConstructionDurable.net, média dédié à la construction écologique et à l’habitat bas carbone. Diplômé en Aménagement du Territoire (Paris 1 Sorbonne), il a travaillé plus de 10 ans dans l’immobilier et le logement social, notamment comme directeur du développement d’un promoteur (150 logements livrés).
Spécialiste des matériaux biosourcés, de l’habitat léger et des énergies renouvelables, il a publié plus de 100 articles, lus par 50 000 lecteurs.